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Histoire de La Tour d'Aigues

Découvrez l'histoire fascinante de La Tour d'Aigues, une commune chargée d'un riche passé médiéval et dotée d'un patrimoine architectural remarquable.

La Tour d'Aigues : Une occupation qui remonte à la préhistoire...

Le territoire du village a connu une occupation très ancienne : des fragments de poterie néolithique et protohistorique (âges du bronze et du fer) ont été trouvés en différents lieux et quelques sites de l’Antiquité romaine ont été repérés : « villae » gallo-romaines sans doute.
Le musée Calvet d’Avignon conserve un autel dédié à Mars Belado découvert à La Tour d’Aigues …mais, jusqu’à aujourd’hui, aucune fouille scientifique n’ayant eu lieu, on en est réduit à ces constatations.

Il en est de même pour la longue période du Haut Moyen Age…seules les fouilles menées sur une petite nécropole rue de la Verrière attestent d’une occupation de ce lieu vers le VIIème siècle.

C’est seulement à partir du XIème siècle que les archives nous donnent quelques indications précises.

Autel antique découvert à La Tour d'Aigues

Au XIème siècle

Au XIème siècle, en 1018, le nom de « Turris » apparaît, comme possession d’un certain Béranger, vicomte d’Avignon.

Plan de développement du village

Un autre texte, en 1060, précise « Turri de Aquis » ce qui veut dire que cette Tour était dans le « pays d’Aix » : « in pago Aquense ». Telle est l’origine du nom actuel du village : « La Tour d’Aigues ».
La « Tour » que possède le vicomte d’Avignon Béranger est celle du premier château qui est à l’origine du village. Situé sur la falaise qui surplombe la vallée de l’Eze, bien placé sur la hauteur dominant la rivière, ce village n’est alors qu’un petit ensemble de maisons groupées, prudemment, autour de la Tour de Béranger, sous sa protection.

Aujourd’hui, seule la « Rue du vieux château » perpétue le souvenir de la première construction du château.

En 1096, une bulle du pape Urbain II mentionne l’église « de Turri » comme appartenant au chapitre des chanoines réguliers de Saint-Ruf d’Avignon. Le prieuré de Saint-Ruf et son église, qui est aussi l’église paroissiale, sont alors séparés du village : ils se situent dans la campagne à une centaine de mètres au nord des habitations.

Cette situation d’une église paroissiale isolée dans la nature n’a rien d’étonnant à une époque où, d’une part, le caractère sacré du bâtiment le met à l’abri des attaques et où, d’autre part, l’espace sécurisé par les constructions fortifiées est très réduit et donc réservé à ce qui est le plus vulnérable : les maisons des habitants (on trouve, dans la région, d’autres exemples de ce type d’implantation de l’église séparée du premier village). Au sud de l’église se trouve, comme c’est alors l’usage, le cimetière sur l’espace de la place actuelle.

Aux XIIème et XIIIème siècles

La Tour d’Aigues est incluse dans le Comté de Forcalquier. Celui-ci s’unit au Comté de Provence par le mariage, en 1193, de Garsende, comtesse de Forcalquier, avec Alphonse II, comte de Provence. Leur fils, Raymond-Béranger V, héritera des deux Comtés.
La seigneurie de la Tour d’Aigues appartient alors à une branche de la famille des Sabran en la personne de Raynes (ou Rainier) II d’Uzès qui est un demi-frère de cette Garsande de Forcalquier. Un seigneur de haute lignée donc, issu de l’une des plus anciennes familles de l’aristocratie provençale, dont une autre branche est installée à Ansouis. Ce Rainier II est d’ailleurs un proche et fidèle conseiller du comte Raymond-Béranger V.

A une date encore imprécise, mais avant 1328, les Sabran déplacent leur demeure : ils abandonnent la vieille « Tour de Béranger » et font construire, face au village, en un lieu bien dégagé, un grand donjon qui est à l’origine du château actuel.

Peu à peu, le village s’étend face, maintenant, au nouveau château.

Il eut, sans doute, plusieurs enceintes successives au fil des agrandissements mais rien ne nous en est parvenu avant la muraille dont des fragments et deux portails d’entrée sont encore visibles aujourd’hui. Elle englobe alors le prieuré des chanoines de Saint-Ruf et son église. Cette enceinte, la dernière, remonte vraisemblablement à la deuxième moitié du XIVeme siècle.

Le XIIème et le XIIIème siècles sont des périodes de calme et de développement : en témoignent l’extension du village et la construction d’une grande église de style roman : la nef, l’abside et la première chapelle latérale à droite du chœur datent de cette époque et sont la preuve, tant par leur ampleur que par le soin apporté à leur construction, d’une réelle prospérité. Quant à l’église antérieure, celle mentionnée dans la bulle de 1096, il n’en reste rien si ce n’est deux dalles sculptées retrouvées en remploi sous la toiture lors des récents travaux de restauration de l’édifice en 2013 et laissées sur place.


Visite virtuelle de l'église de Notre-Dame de Romégas

Aux XIVème, XVème et XVIème siècles

Par contre, au moins dans sa deuxième moitié, le XIVème siècle est un âge de troubles et de malheurs.

Dès 1348, la terrible « peste noire » frappe l’Occident et le Pays d’Aigues n’est pas épargné.

Puis surviennent les désordres liés à l’affaiblissement du pouvoir politique.

En France, cette période est celle de la guerre de Cent ans. La Provence, elle, subit le passage de bandes de « routards », ces mercenaires pillards, dont le fameux Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre, qui avec ses « Gascons » met la région à feu et à sang : son passage est attesté à Pont Saint Esprit et à Avignon et l’on sait qu’il séjourna à La Tour d’Aigues grâce à une lettre qu’il en expédia le 30 mars 1358.

C’est aussi la guerre civile, autour de la succession de la reine Jeanne 1ère (reine « de Sicile » et comtesse de Provence) qui ensanglante le pays : notre région est dévastée par les troupes du tristement célèbre Raymond de Beaufort, vicomte de Turenne, seigneur-brigand, basé à Pertuis, qui ravage le Pays d’Aigues pendant plusieurs années et La Tour d’Aigues, en particulier, en 1391.

Porte ancienne

Il n’est pas étonnant, donc, qu’une nouvelle (et dernière) enceinte ait été construite dans ces années de danger.

C’est aussi le cas pour de nombreux villages et villes de la région, l’exemple le plus fameux étant celui des « remparts » d’Avignon.

Tout cela fait qu’au début du XVème siècle, le village paraît durement affecté, l’église est délabrée, la population se terre à l’intérieur de ses murailles…

En 1471, il ne reste que 30 « foyers » apparemment bien pauvres (notons toutefois qu’un « feu » peut grouper plusieurs générations et plusieurs couples : c’est la famille au sens large).

Pendant ce temps, la seigneurie est passée des Sabran aux Agoult et, à partir de 1420, cette puissante famille provençale donne un nouvel essor au terroir.

Foulques (ou Fouquet) d’Agoult, ami, conseiller et chambellan du roi René d’Anjou est un grand personnage.

Il possède une trentaine de seigneuries en Provence. Riche et puissant, il marque notre région par trois grandes réalisations :

  • La constitution d’une Baronnie réunissant les villages de ce que l’on appellera bientôt « la Vallée d’Aigues » (à ne pas confondre avec le « Pays d’Aigues » beaucoup plus étendu).
  • L’aménagement d’un grand réseau hydraulique depuis les sources de Mirail et des Hermitans situées sur le piémont sud du Luberon jusqu’au château de La Tour d’Aigues, en passant par les étangs de la Bonde et du Parc soit 18 kilomètres d’aqueducs sur les territoires de 5 villages…assurant l’arrosage (on dirait aujourd’hui l’irrigation), le remplissage des douves du château et le fonctionnement de plusieurs moulins !
  • Enfin, la construction d’un vaste « château » autour du donjon, une grande forteresse formant un quadrilatère dont on voit encore aujourd’hui la partie arrière avec ses deux tours rondes aux angles.

Couvent

Fouquet d’Agoult est aussi le fondateur, en 1478, d’un couvent de moines Observantins au Tourel, (sur la route de La Tour d’Aigues à Pertuis). Ce couvent, dont il reste une chapelle ruinée, sera reconstruit au XVIIème siècle.

Il encourage, d’autre part, l’extension du village et la remise en culture des terres abandonnées : à partir de 1487 de nouveaux baux témoignent de nombreuses constructions dans le « faubourg » et dans la campagne. Le village éclate hors des murailles désormais trop étroites et s’étend en direction de Pertuis formant un quartier que l’on appellera longtemps « la Bourgade ». Les premières bastides s’élèvent au milieu des champs.

Le redressement amorcé ainsi dans les dernières années du XVème siècle se poursuit au XVIème. La seigneurie passe, par mariage, des Agoult aux Bolliers-Cental et l’expansion démographique se confirme. Vers 1540 il y a 276 chefs de famille recensés et l’église, devenue trop petite, est agrandie de quatre chapelles latérales au Nord.

L'église reçoit un riche mobilier : la commande d’un grand retable, aujourd’hui disparu, en témoigne et surtout, la réalisation du superbe groupe sculpté, sans doute au début du siècle, qui représente la « Mise au tombeau du Christ ».

Mise au tombeau

Il nous est heureusement parvenu et a été restauré en 2004.
D’autre part, la communauté villageoise s’affirme et passe, dès 1505, une transaction avec le seigneur qui lui concède la totalité du terroir cultivable, l’usage de l’eau de l’aqueduc venant de la Bonde et de la terre « gaste » (bois, friches) pour les troupeaux en contrepartie du paiement d’une « tasque » représentant le 1 /7eme des récoltes. Cet accord sera revu en 1583 et la taxe alors transformée en une redevance fixe.

Il faut dire que La Tour d’Aigues, en majorité catholique, est restée à l’abri de la persécution des Vaudois qui a ensanglanté la région avec l’expédition de Maynier d’Oppède en 1545.

Au contraire le village prospère et son château se transforme. Il est agrandi et embelli par Jean Louis Nicolas de Bolliers (ou Bouliers) qui fait édifier la magnifique demeure Renaissance dont nous admirons encore les vestiges.

Cependant, la deuxième moitié du XVIème siècle est plus troublée.

A partir de 1560, la France est déchirée par les guerres de religion entre protestants et catholiques : La Tour d’Aigues n’est pas épargnée.

Si, en 1562, les Protestants se repliant de Pertuis vers Sisteron traversent le terroir sans grands dommages, la fin du siècle est plus difficile. En 1586 le vicomte de Cadenet, marquis d’Oraison et chef des Huguenots prend La Tour d’Aigues…de nouveau l’insécurité règne et la campagne n’est plus protégée. Le paroxysme est atteint pendant les guerres de la Ligue où s’affrontent les ultra- catholiques opposés à l’accession au trône d’Henri de Navarre (le futur Henri IV encore protestant) et les partisans de ce dernier (héritier désigné du roi Henri III assassiné en 1589). La Tour d’Aigues est alors entre les mains de la « ligueuse » Chrétienne d’Aguerre, comtesse de Sault, qui a succédé aux Bolliers-Cental.

En décembre 1590 le duc de Savoie, son allié, s’y installe. C’est à partir de La Tour d’Aigues qu’il entreprend le siège de Pertuis resté fidèle au roi…ce siège échoue, plus d’ailleurs à cause de la rigueur de l’hiver que des engagements militaires, mais attire sur le village de terribles représailles… le duc de Savoie doit quitter la place, laissant une garnison, et, en août 1591, le gouverneur du roi, La Vallette, reprend de force La Tour d’Aigues qui est alors le théâtre de quinze jours de violence, de pillage et de saccage. L’église, où femmes et enfants se sont réfugiés, est cependant épargnée, sur l’ordre exprès de La Valette.

Ces épisodes belliqueux se terminent avec l’abjuration d’Henri IV en 1593 : il est alors reconnu partout comme le roi légitime.

Les dernières années du XVIème siècle ont donc été difficiles pour le pays, d’autant plus qu’une épidémie de peste, très virulente, s’est ajoutée aux troubles en 1586-87.

 

Vue de l'église de La Tour d'Aigues

Au XVIIème siècle

La période est plus paisible. La croissance démographique du village témoigne de son essor et l’église, de nouveau trop petite, est encore agrandie. Dans la première moitié du siècle trois chapelles latérales au Sud et une cinquième travée à l’Ouest sont ajoutées. Le gros clocher est construit. Il a été restauré ainsi que les toitures en 2013-2014.
La seigneurie passe, par mariage, de Chrétienne d’Aguerre aux Créqui-Lesdiguières et le château connaît de nouveaux embellissements.

Le village continue de s’étendre hors des anciennes murailles.

Les bastides se multiplient dans la campagne, quelques belles façades et portes d’entrée témoignent de l’enrichissement d’une partie au moins de la population.
Le mobilier de l’église en est un autre signe : retables, tableaux, statues et, en particulier, la magnifique chaire de bois sculpté montrent la vitalité des confréries et l’importance des dons faits à la paroisse.
D’ailleurs, un dernier agrandissement, et non le moindre, marque l’édifice au tournant du siècle : la 5ème travée, construite depuis peu à l’Ouest, est abattue pour faire place à un grand massif trilobé surmonté d’une coupole en son centre et destiné à abriter le nouveau chœur…signe qu’un espace plus grand est nécessaire et surtout qu’on ne lésine pas sur les moyens pour l’aménager.

Au XVIIIème siècle

L’augmentation de la population se poursuit. La peste de 1720 épargne le village alors qu’elle touche sévèrement Pertuis et, surtout, Cucuron. En 1727 La Tour d’Aigues compte 1007 propriétaires (dont 896 résidents). Il y a 454 parcelles bâties et 80 bastides sur le terroir. La croissance démographique continue tout au long du siècle et la population atteint 2286 habitants en 1765.

Les délibérations communales nous transmettent le souvenir de quelques évènements importants pour la communauté villageoise. Ainsi, en 1711, le 6 Juillet, lors d’un terrible orage de grêle, les habitants se réfugient dans l’église et font le vœu d’aller en procession à la chapelle Saint-Christophe (ce dernier est le saint patron protecteur du village) « annuellement et perpétuellement » : c’est l’origine de la « messe du vœu » célébrée lors de la fête « votive ».

En 1752, une nouvelle « maison de ville » est achetée mais ce n’est pas l’hôtel de ville actuel qui ne s’installera dans les locaux du prieuré qu’en 1791 après la vente de ce dernier comme bien national. Autre grande décision : en 1771, la communauté, pour des raisons d’hygiène, décide de transférer le cimetière hors du village (il était toujours, depuis le Moyen Age, au sud de l’église, au lieu de la place actuelle).

Au seuil de la Révolution La Tour d’Aigues est un village essentiellement agricole.

La vigne arrive, comme aujourd’hui, en tête des cultures (48% de la surface cultivée), devant les terres labourables (26% avec surtout du blé et du seigle), puis les terres arrosables, prés et jardins (15%) et, enfin, les vergers (11%)…remarquons toutefois que beaucoup de terres sont alors « complantées » c’est-à-dire que l’on y pratique plusieurs cultures simultanément (des légumes sous les arbres fruitiers par exemple).

Signalons aussi une culture « industrielle » : celle du chanvre. L’activité textile (chanvre, laine) est, en effet, importante dans le village, la « rue des tisserands » en garde le souvenir. En 1790 il y a 24 tisserands et 7 tailleurs à La Tour d’Aigues. L’élevage des vers à soie se développe et alimente plusieurs filatures (il y en a 4 en 1808).

Depuis le début du XVIIIème siècle, la baronnie appartient à la famille des Bruny qui l’ont achetée en 1719. Ce sont des armateurs et négociants marseillais, enrichis et anoblis.

La tension monte tout au long du XVIIIème siècle entre la communauté villageoise et les nouveaux barons de Bruny.

Les contestations et procès se multiplient : pour le droit d’arrosage, les paiements des multiples impôts, l’accès à la chapelle Saint-Christophe située dans le parc seigneurial…tout est sujet à contestation, chicane …d’appel en appel les procès s’éternisent et les relations se durcissent. Lorsque la Révolution éclate, le château, déjà endommagé par un incendie accidentel en 1780, devient la proie de la colère populaire.

Le feu est mis au château le 14 septembre 1792 : il brûlera pendant plusieurs jours et restera à l’état de ruine.

La Révolution marque la fin de l’Ancien Régime et du pouvoir seigneurial. Nous ne savons pas comment le village a traversé les dernières années du XVIIIème siècle ni celles du début du XIXème (notamment la période napoléonienne) car les Archives communales de ces années-là ont sont introuvables...on ne les retrouve qu’à partir de 1838.

 

 

 La « Mise au tombeau du Christ »

La sculpture gothique nous livre, à la fin du Moyen Age, de nombreuses productions ayant pour sujets les épisodes de la Passion du Christ. Les « malheurs du temps », à partir du XIVème siècle (mauvaises récoltes et famines, épidémies dont la terrible « peste noire », guerres et troubles) induisent une piété plus doloriste, plus pathétique qu’aux siècles précédents.

Dans ce contexte apparaissent les « Mises au tombeau » ou « Sépulcres » qui connaissent très vite une grande diffusion : on en a recensé plusieurs centaines et, malgré les destructions, nous en conservons en France un nombre important dont sept en PACA (à Marseille, Avignon, Arles, Aix-en-Provence, Salon, Puget-Théniers et La Tour d’Aigues).

Le groupe de La Tour d’Aigues se compose des huit personnages les plus habituellement représentés.

Mise au tombeau avant restauration

Mise au tombeau apres restauration

Sculptés en ronde bosse dans la pierre calcaire des carrières de St Didier (Vaucluse), ils sont un peu plus petits que nature et disposés sur deux plans :

  • Au 1er plan, le corps du Christ mort repose sur un linceul que deux hommes s’apprêtent à déposer dans un sarcophage superbement ornementé. Ces ensevelisseurs sont Joseph d’Arimathie (que l’Evangile cite comme un riche juif ayant offert son tombeau pour l’inhumation) et Nicodème. Ils sont habillés et coiffés avec recherche, on pourra observer les détails de leurs tenues, d’un style orientalisant plus ou moins fantaisiste, qui contrastent avec la quasi nudité du Christ montrant le dépouillement de tout homme dans la mort.

 

  • Au 2ème plan, surélevé par rapport au premier, nous voyons les « proches » de Jésus : au centre la Vierge entourée par deux Saintes Femmes, à gauche Saint Jean, à droite Sainte Marie-Madeleine. Ces personnages, debout, dominent les horizontales du corps du Christ et du tombeau. La Vierge en est le cœur. Légèrement en avant elle est vêtue simplement d’une longue robe et d’un manteau qui lui couvre aussi la chevelure. La tête inclinée, le regard tourné vers son Fils, elle est accablée mais digne, pleine de douleur contenue. Les deux Saintes Femmes (Marie Salomé mère de St Jean et Marie Jacobé mère de St Jacques le Mineur) n’ont pas besoin de la soutenir mais, légèrement en retrait et vêtues de la même manière que la Vierge, elles dramatisent la scène : l’une essuie des pleurs avec un pan de son manteau, l’autre joint les mains dans l’attitude de la prière. Un voile fin et une « guimpe » encadrent les visages des trois femmes : c’est la tenue des veuves et des femmes vertueuses de l’époque, que certains ordres religieux perpétueront. Notons la place privilégiée données aux « Saintes Marie » dans cette composition, rappel de la dévotion particulière que les Provençaux leur vouent. Sur la gauche, St Jean est séparé du groupe précédent. L’apôtre bien aimé du Christ, le plus jeune des douze, celui auquel Jésus a confié sa mère avant de mourir, est présenté ici comme un jeune homme imberbe, à la chevelure bouclée, vêtu dignement mais sans ornement superflu. Il tient la couronne d’épines. Sur la droite enfin et isolée aussi, Ste Marie-Madeleine porte un pot contenant les baumes nécessaires à la toilette mortuaire. Elle est figurée comme une belle jeune femme dont le vêtement et la coiffure par leur élégance et leur raffinement rappellent la vie passée d’ancienne courtisane convertie.

Mise au tombeau détail

Les archives consultées nous ont appris que le groupe se trouvait dans l’église paroissiale en 1620. Il était alors présenté « en retable », que des portes pouvaient fermer, au fond de l’édifice à l’emplacement de la chapelle actuellement dédiée à Saint Christophe. Nous ne savons, à ce jour, rien sur son origine : ni le nom du (ou des) commanditaire, ni celui du sculpteur, ni la date de son exécution…Toutefois les détails des costumes : chaussures dites « à pied d’ours » de Joseph d’Arimathie et robe « à crevés » de Marie-Madeleine, ainsi que les « grotesques » de l’ornementation du cercueil rattachent cette œuvre à l’art de la Renaissance et permettent de la situer au début du XVIème siècle.

La grande qualité de ce monument a été révélée par sa restauration, réalisée en 2004 à l’initiative de la DRAC-PACA et de la municipalité de La Tour d’Aigues.

Elle a été exécutée par monsieur Luis de Huescar-Garvi, restaurateur, sous l’autorité scientifique de Madame Marie-Claude Léonelli, adjointe au conservateur des Monuments historiques.

 

Hélène Lézaud, professeur agrégé d'Histoire.
 

Pour en savoir plus, vous pouvez lire :

  • « Une redécouverte : la Mise au tombeau de l’église de La Tour d’Aigues (Vaucluse) ».Hélène Lézaud
  • Bulletin archéologique de CTHS (Comité des travaux historiques et scientifiques). N° 34. 2008

Page mise à jour le 04/06/2024 par la Mairie de La Tour d'Aigues

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